… bah oui, c'est comme
ça, depuis que je les ai time-lockées, c'est un peu chose obligée.
Mais il ne faut pas croire, ce ne fut pas chose aisée. Verrouiller
ses gogues dans le temps est assez trivial, mais de trouver le bon
point d'ancrage l'est bien moins. Déjà, il faut que ça soit un
point fixe, une chose qui à travers l'espace, le temps et les
dimensions se produit toujours, un truc hyper stable quoi. Un peu
comme il faut des fondations en béton pour un immeuble, en bien plus
durable et significatif cependant. J'ai longtemps prospecté …
extinction des dinosaures : tellement sujet à controverses que
générateur de paradoxes, naissance de Jésus : trop mal
documentée, bataille de Poitiers : difficile car géolocalisée
approximativement, révolution française : bien trop étalée
dans le temps, suicide d'Adolf Hitler : la date, le lieu, point
Godwin de surcroît, bingo !
Le reste fut un jeu
d'enfant et vingt ans plus tard je ne perdais plus mon temps à aller
aux toilettes. Même, j'avais plusieurs fois pu sauver ma peau dans
mon cabinet, sa bulle temporelle me protégeant en plusieurs occasion
en me faisant, avec elle, glisser de dimension. La première fois fut
en 2016 dans ma dimension de « naissance », après une
montée en puissance de la Russie, les Américains répliquèrent et
l'Europe les séparant devint le territoire rêvé pour y dévier les
attaques atomiques. C'est lors de la chute d'un obus sur mon immeuble
que je me suis retrouvé dans une dimension en tout point semblable,
dans mon appartement, en l'état quasi-identique. La seul grande
différence était en fait que dans cette réalité je n'avais pas
consacré vingt années de ma vie à transformer mon lieu d’aisance
en capsule temporelle, j'avais préféré inventer un revêtement
pour repousser la chaleur transmise par les vitres sans en atténuer
la pénétration lumineuse. J'eus tôt fait de me débarrasser de
cette pâle version de moi-même et de prendre sa place. Ses
inventions avaient au moins eu le mérite de le rendre assez riche,
mais aussi très grippe-sou, si bien que je me retrouvais assis sur
un joli pactole. Il m’entraîna par contre dans une série de
magouilles plus ou moins légales, et bientôt des créanciers furent
à ma porte pour me demander des comptes. Enfin … ma porte … elle
n'avait pas pu les arrêter bien longtemps. Toutefois alors qu'ils me
retenaient dans l'espoir de me tabasser un peu avant d'éventuellement
me buter, ils acceptèrent que j'aille me soulager aux waters. Grave
erreur de leur part, sentant venir le danger à force de traîner
dans les milieux douteux, j'avais pris soin de bourrer mon appart
d'explosifs, afin, en cas de problème, de tenter de forcer la
transition dans une autre dimension. Mon plan se déroula à
merveille.
J'atterris dans un
tout autre contexte. Il n'était plus là question d'appartement
d'habitation. Mes latrines étaient maintenant celles d'une usine,
abandonnée, heureusement, et en sale état, malheureusement. J'avoue
volontiers avoir eue à cet instant là quelques idées sombres,
allant jusqu'à regretter la malignité m'ayant sauvé la vie.
Lorsque soudain …
« Hé !
Pssst ! C'est moi ! »
Je relevais la tête
étonné, un jeune homme d'une vingtaine d'années se tenait dans mes
goguenots. Et en plus de sembler me connaître, il me ressemblait
terriblement au même âge.
« Qui es-tu ?
Je suis certain de ne jamais t'avoir rencontré. »
« Pas encore en
effet. Je suis ton fils. C'est un peu compliqué mais je peux te dire
que je m'en vais autolyser Hitler. »
« Qu-quoi ? »
« Dans quelques
années tu vas trouver la preuve qu'Hitler ne s'est pas tué le jour
de son suicide, je pars donc réparer ça pour éviter tout paradoxe
avec les vécés. Et ne t'inquiète pas pour la causalité, tu vas
oublier cette conversation jusqu'au moment ou tu accepteras que je
remonte la time-line pour neutraliser la singularité dans la
fabrique du temps. L'univers est tellement magique ! »
« Mais ... »
« Ne t'en fais pas
pour moi, va plutôt explorer ta nouvelle dimension. Quelque chose me
dit que tu ne devrais pas tarder à rencontrer maman. »
Et déjà il était
reparti. Après quelques bouffées d'air, je ne me souvenais plus de
cette entrevue pour le moins déconcertante. Ma motivation, elle,
avait par contre pris une toute autre ampleur. Me vint à l'idée que
cette usine n'était pas si désagréable et qu'avec quelques travaux
j'allais pouvoir y faire un loft confortable. En cas de coup dur,
j'avais pris soin de garder une jolie somme dans le réservoir de mon
trône, cela allait me servir.
Sur la grille extérieure
de l'usine, une pancarte jaunis « For Sale » et fort
sale, m'appris non seulement que par miracle la négociation allait
sans doute être plus facile qu'espéré mais aussi quel numéro de
téléphone appeler pour pouvoir y parvenir. Après un bref coup de
téléphone, il fut entendu avec mon interlocutrice, la propriétaire
du lieu, que nous nous retrouvions quelques jours plus tard au bar du
coin de la rue.
Le jour j, j'allais me
poser comme convenu dans l'estaminet voisin avec mon signe de
reconnaissance, une broche nazi, fièrement agrafé à ma chemise.
Elle devait en entrant s'approcher de moi et esquisser un salut du
même ordre pour prendre contact. Ce qu'elle fit, avant d'ajouter :
« Escusez, faut
que j'aille vite fait aux cagoinces. »
Je ne l'avais aperçue
que subrepticement mais son visage m'était étrangement familier. A
son retour du cabinet d'aisance, elle se présenta et en entendant
son nom, je compris. Elle était moi, la version de moi de cette
dimension. Et j'étais franchement pas mal, bien proportionnée du
cul aux seins. La moitié la plus parfaite que je puisse espérer,
moi, tout simplement. Je commençais à me courtiser, j'avais le même
humour. Je me plaisais et la réciproque semblait vraie. Le feeling
passait vraiment bien. Nous fîmes l'amour le soir même, bien que
dans mon esprit cela s'apparentait alors encore à une forme
d'onanisme trans-dimensionnel plutôt qu'à une forme réelle de
procréation. De fil en aiguille, comme je n'étais un mauvais parti
ni dans un sens ni dans l'autre, et qu'il faut le dire je m'aimais
beaucoup, je m'installais avec mon autre moi pour mener vie commune.
Peu de temps après nous
officialisions notre couple auprès d'un maire assez déconcerté de
marier deux personnes de physionomie si semblable et avec de surcroît
le même état civil au sexe près. Il demanda même à son greffier
quoi faire, celui-ci semblait penser qu'une coïncidence pareille
était, certes, très troublante, mais trop apparente pour être une
quelconque machination. Puis tout s’enchaîna. Les travaux de
l'usine commencèrent, le loft pris forme. Il fut convenu de ne pas
redécorer les commodités bien entendu.
La suite ... je vous la
laisse deviner. Je dois justement aller aux vatères.
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